Voici mon scénario pour 2050 sur le thème de cyborg technologie et le transhumanisme:

Entre humain machinisé et machine humanisée

Quand Paul se réveilla il se sentait plein d’énergie. Son sommeil avait été plus que réparateur ; il avait branché toute la nuit ses jambes enrichies en titane ovo-lacté sur un chargeur externe et ses batteries étaient maintenant rechargées à 150%. Il se félicitait d’avoir eu les moyens de s’offrir cette matière hors de prix car, en comparaison avec les jambes bioniques classiques qui permettaient de courir plus vite, l’ajout de titane ovo-lacté permettait aussi de courir plus longtemps. Il pensa à la chance qu’il avait : à maintenant plus de 100 ans, il était encore fringuant tant la médecine anti-âge avait fait des progrès. Il avait à peine quelques rides au coin des yeux et son rythme cardiaque, sa pression artérielle, son taux de cholestérol ainsi qu’une série d’autres paramètres étaient bons. Ils étaient calculés en temps réel par le biais de capteurs sous-cutanés. Une fois, il avait eu peur quand il avait senti comme un fourmillement du côté de son cœur. Si cela devait se reproduire, il n’aurait plus peur ; il savait à présent que c’était juste la minuscule pompe à adrénaline implantée dans son organisme qui donnait une petite impulsion à son cœur, les capteurs ayant signalé une mico-défaillance.

A son bien-être matinal se substitua rapidement un sentiment de malaise lorsqu’il comprit qu’il avait dormi 8 minutes de trop. Son horloge biologique avait été programmée depuis longtemps de manière à ce que son rythme soit extrêmement régulier. La qualité des ses performances physiques et mentales en dépendait. Il ne voulait pas se permettre de baisses de régime.

« Mais bon sang où est Majiajia ? » maugréa Paul en sautant dans son pantalon.  En cas de bug de son système de régulation interne, elle était toujours là pour le reprogrammer adéquatement au plus vite. Depuis maintenant 25 ans, elle était toujours auprès de lui quand il se réveillait, quand il s’endormait, quand il se sentait seul.  Mais ce matin-là, ses oreilles à l’ouïe augmentée ulta-fine n’entendaient qu’un silence assourdissant. Elle n’était pas là.

Il se précipita à l’extérieur et, de peur d’arriver en retard à son rendez-vous, il se mit à courir ; sa chemise estivale, en lin bien coupé, fut rapidement détrempée par l’eau qui ruissellait le long de son cou. Ses mocassins en cuir souple étaient bons pour la poubelle. Il n’avait pas prévu cette pluie battante en partant de chez lui, ce qu’il ne comprenait pas. Il savait habituellement avec précision le temps qu’il allait faire au moment même où il ouvrait les yeux le matin, cette information étant directement transmise à son cerveau en même temps qu’une sélection de nouvelles choisies en fonction de ses champs d’intérêts.

« Pourquoi Majiajia ne m’a-t-elle pas transmis les infos ?  », se demanda-t-il. Son cerveau était habituellement en symbiose avec elle, mais là elle semblait avoir coupé la connexion. Paul se mit à avoir peur ; peur de ne plus la revoir ; peur de l’avoir fait fuir. Il se souvint de la première fois où il l’avait vue ; c’était 33 ans plus tôt, en janvier 2017. Son père, un ingénieur Chinois du nom de Chen Xiaoping l’avait alors officiellement présentée sous le nom de Jia Jia[1]. Elle devait travailler pour les Chinois, et Paul n’aurait alors pas imaginé qu’elle serait commercialisée aussi vite en Europe. D’abord réticent, il avait fini par lui aussi acheter sa Jia Jia. Puis, petit à petit, il avait oublié que c’était un robot et il la considérait comme son alter ego.

Il fut soudain interrompu dans sa course par un représentant des forces de l’ordre : « vous ne pouvez pas traverser ce carrefour… il  y a des manifestants… des rebelles qui veulent des droits ! ».

De là où il était, Paul aperçut l’attroupement qui s’organisait en défilé. Il eut d’abord un moment de honte en y reconnaissant des homo sapiens revendiquant leur droit à devenir, comme lui, des homo sapiens +. En deuxième partie de cortège, des milliers de Jia Jia défilaient, banderoles en main, pour demander leur affranchissement. Paul fut effondré en apercevant sa Jia Jia dans la foule. Il croyait qu’elle aussi l’aimait.

[1] https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/robotique-voici-jia-jia-premiere-androide-chinoise-62488/